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Bangladesh
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26 février 2008

Photographies; Wahid Adnan avec Arifuzzaman (Van

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Photographies; Wahid Adnan avec  Arifuzzaman (Van Gogh) Sumadri et Sawrna...

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Lundi soir

A Chittagong lorsque les étudiants parlent de Van Gogh, ou de Frida Khalo ils disent Vincent et Frida…

Chaque fois que je pose le pied dans le Bengale, le temps s’accélère et j’ai des journées remplies pendant 15 heures.

Je ne vais pas pouvoir parler de tout ce qui se passe ici du matin jusqu’au soir.

Dîner avec des artistes et des critiques le soir, workshop avec les étudiants de 10-13 heures et 15-18 heures… L’objet du workshop étant de leur faire réaliser un autoportrait et un portrait habité par l’esprit d’un peintre. Le même cours que celui que je donne à Paris 8.

Leur travail sera montré dans une exposition le 6 mars.

Evidemment le contexte est différent qu’à Paris 8 et c’est ça qui me plait, m’intéresse et me fait souvent sourire tant cela crée des situations absurdes et touchantes…

L’étudiant bengali communiste avec la tête bandée (photo au dessus) qui se met dans la peau de Van Gogh après qu’il se soit coupé l’oreille. Le même qui me dit demain matin j’emmènerai ma cousine pour la photographier car vous allez voir combien elle ressemble à Frida, bien qu’en sari, c’était en effet une Frida bengali, celle qui emmène son sofa dans la jungle en camion pour poser comme dans les tableaux du Douanier Rousseau…

L’engagée féministe qui photographie des vaches dont elle remplace la tête par son portrait pour protester contre la condition féminine… celle qui hurle dans la rue devant les rickshaws stoïques à la façon du cri d’Edward Munch.

Tout ça c’est le fruit de mon discours du deuxième jour. Car je sais que les bengali ont des esprits baroques mais ils sont d’abord très réservés.

Je leur ai dit qu’ils étaient parfaits mais trop timides et conventionnels dans leurs idées, et qu’ils devaient imaginer quelque chose qui leur fasse dire en se couchant « comment j’ai pu imaginer une chose pareille », du coup ils se photographient nus dans les temples, tirent la langue vers des cactus (portrait de Picasso par Dali), sortent des squelettes du collège de médecine… et transportent leurs sofa dans la jungle.

Ce qui est intéressant aussi c’est le contexte, quelques uns ont de bons appareils, mais d’autres n’en n’ont pas du tout, ou de petits avec une mauvaise résolution qu’ils se prêtent. Toutes les dix minutes nous sommes plongés dans le noir à cause des pannes d’électricité et les ordinateurs s’arrêtent… ils n’ont aucun éclairage artificiel, souvent pas de connections internet chez eux mais ils se débrouillent.

Ce que j’aime par dessus tout c’est leur gourmandise et leurs désirs ; ils enregistrent toutes les images artistiques que j’ai sur mon disque dur, à l’heure du déjeuner ils se précipitent au cyber café au coin de la rue pour télécharger des images des peintres évoqués dans la matinée : Caravage, Munch… ils me posent des milliers de questions, sont d’une déférence inimaginable pour un occidental, me suivent avec une chaise pour que je puisse m’asseoir quand j’en ai envie, ils vont me chercher à boire, et commencent à m’apporter de petits presents.

Deux fois par jour le thé est servi, avec des samossas et des gâteaux sucrés l’après-midi…

Je disais que ce workshop me faisait penser à un Bishnupur bis, c’est vrai ; mais dommage que Parimala n'est pas presente, debout sur les tables pour filmer la progression… avec ses questions en cascade pour comprendre le process, « pourquoi je dis ça maintenant et n’ai pas dit ça il y a 20 mn » etc…

A Chittagong j’ai Sumadri. Le garçon dont j’avais fait le portrait l’année dernière en chemise noire contre la vitre en bas (a la date du 15 mars) de cette page et au dessus en chemise orange.

Il vient m’assister pendant mon cours pour traduire directement du bengali au français… il est tellement rapide et intelligent qu’il a compris photoshop pendant que je traduisais les démonstrations et qu’au bout de deux heures c’était lui qui expliquait comment faire une sélection et la transformer en calque.

Sa rapidité et sa bonne humeur m’enchante mais surtout il a cette même caractéristique que Parimala et que j’adore ; il veut tout comprendre et son esprit ne recule devant aucun paradoxe ; il passe de Dieu aux invasions aryennes, de la notion de sacré à la sexualité au Bangladesh et en Europe en quelques minutes, déduisant que la sexualité comme objet de consommation ou comme interdit généraient les mêmes frustrations. Ce en quoi il a évidemment raison.

A 13 heures nous sortons dans le chaos de la rue… de Paris, c’est impossible d’imaginer des rues comme celles du Bangladesh, car on peut parler de foule, de chaos, de couleurs… et de bruits, je ne parviens pas à décrire ce chaos organisé, cette foule qui s’occupe à mille choses différentes dans le même espace, ces vêtements drapés autour des corps, les devantures, les bus rouillés, les camions peints, les corbeaux qui hurlent, les immeubles éventrés et les palmiers tout autour.

Pendant que nous parlons de Montesquieu et d’Hindouisme il me retient en avant et me pousse en arrière pour que je ne me fasse pas écraser sous ses yeux.

Nous revenons en cyclo-pousse et j’aime cette façon de glisser silencieusement dans la ville en regardant les autres passagers des autres cyclo-pousse alanguis et souriants.

Les soirs comme ce soir, après le cours nous dînons calmement Sten, Roopam et moi à l’appartement autour d’une bouteille de vin, et ça aussi ça me plait.

Puis je rentre dans ma chambre ou mes vêtements de la veille sont pliés et repassés, et j’écris le blog.

Me revoilà au Bengale, une nouvelle fois et autant surpris qu’heureux, malgré tout, qu’un monde comme celui-ci soit possible.

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