Trois jours que je n’ai pas réactualisé le blog.
Trois jours que je n’ai pas réactualisé le blog.
Durant ces trois jours ce n’est pas tant que j’ai été surchargé comme à Chittagong, mais plutôt que j’essayais de trouver mes marques. Changement de contexte, de ville, de rythme et de personnes…
Le rythme de Dhaka est plus électrique, par contre à Chittagong les cours, dîners, conférences, rendez-vous avec les imprimeurs, préparation des deux expositions et apéritifs s’enchaînaient sans me laisser une minute de flottement, ici le rythme est différent, les expositions sont accrochées, je dispose du début de journée pour faire ce que je veux, puis les cours sont rassemblés le soir.
Le rituel des dîners avec Sten et Roopam et des déjeuners avec Sumadri et tout ce que nous échangions m’ont manqué en arrivant à Dhaka.
Le
premier jour je me disais je crois que Dhaka ne me plait pas. C’était
bien sûr faux, c’est seulement que mon corps était à Dhaka et mon
esprit encore à Chittagong.
Pendant
ces deux trois jours je lisais Pessoa dans ma chambre et je me
promenais dans le jardin avant de rejoindre la bibliothèque en fin
d’après-midi pour mes cours.
Après le petit-déjeuner je vais voir les carpes chinoises et les perruches dans le jardin.
Cette pension a quelque chose du Fairlawn à Calcutta, en beaucoup plus récent. Mais la jardin de dahlias et d’œillets d’Inde, les murs peints en vert, les pots de fleurs en file indienne, me rappellent le Fairlawn. Nous sommes peu de pensionnaires, un chinois qui fait du business informatique, une anglaise qui travaille dans une Ong, un bangladais de Los Angeles avec sa maîtresse anglaise.
Hier matin j’ai pris mon petit déjeuner avec le jeune chinois. Il est de Hangzhou, je lui ai dit que j’y avais passé un 25 décembre face au lac, il était très étonné.
Il portait un beau T-shirt bleu avec écrit en strass sur un dessin de montagnes "Chamonix Suisse" ; je lui ai dit que Chamonix n’était pas en Suisse. Il m’a répondu je l’ai acheté ici, ils ont du se tromper…
Ca m’a fait rire car c’est la folie des bengali pour la Suisse qui les
aura rendu peu regardant sur la vérité. Et puis c’est joli, "Chamonix / Suisse" en strass.
Le premier pays qu’ils rêvent de visiter, où la bourgeoisie passe ses voyages de noces, ou bien dont on offre le voyage à un vieux monsieur pour qu’il le voit avant de mourir c’est la Suisse
C’est
l’anti-thèse et le fantasme exotique du Bengale, peu de monde, tout
fonctionne comme un mécanisme d’horloge, l’air est frais, tout est net
et calculé.
Samedi j’ai accroché l’exposition, 24 images. Dimanche après-midi c’était l’inauguration en même temps qu’une conférence de presse des ambassadeurs des pays francophones.
Je n’avais jamais eu 5 Ambassadeurs en même temps à un vernissage, il y avait le Vietnam, le Canada, le Maroc, la Suisse et l’Egypte. L’ambassadeur égyptien ressemblait à Obama.
J’ai fait une visite commentée pour l’ambassadeur de France, et l’attaché culturel m’a rapporté hier que lors d’une réunion l’ambassadeur content de mon travail au Bangladesh avait dit qu’il fallait absolument que je revienne. Ce à quoi j’ai dit Oui ! avant même que la phrase soit terminée.
J’ai d’ailleurs dit à tout le monde en partant de Chittagong à l’an prochain au mois de mars !
J’ai enchaîné tout de suite après le vernissage avec mon premier cours dans la bibliothèque.
Nouveaux étudiants, nouveaux yeux noirs en amande qui me fixent silencieusement.
Ce qui est troublant c’est leur anxiété, et à quel point ils prennent à cœur tout ce que je dis, ils ont très peur et je passe beaucoup de temps à essayer de les détendre.
Hier
soir, j’ai terminé le cours à 21 heures. Puis, j’ai discuté une petite
heure sous la véranda de l’Alliance avec différentes personnes ;
lorsque je suis sorti dans la rue noire pour prendre un cyclo-pousse
j’ai vu dans l’ombre un étudiant qui m’attendait depuis une heure dans
le vacarme de la rue.
Cet étudiant est amusant, c’est un petit body-builder avec des yeux étirés de bouddha, à la fois très sérieux et réveillé. Il m’attendait, gravement, pour me demander si je n’avais pas trouvé son projet d’autoportrait trop enfantin.
Il veut se représenter mi-ange, mi-démon à partir d’un tableau de Burne-Jones. Je l’ai rassuré et lui ai donné quelques idées.
En partant, il m’a dit que si j’avais besoin d’un assistant il se rendrait aussi disponible que je le souhaiterais, et que si j’avais besoin d’autres assistants il pouvait m’en trouver 5 ou 6 autres très sérieux.
Cette gentillesse et cette disponibilité est déconcertante.
Hier donc, après ces trois jours à lire à l’Ambrosia je me suis dit que j’allais un peu me promener dans les rues. Je me suis d’abord arrêté dans un salon de thé pour manger une pizza et 5 gâteaux bengali et j’ai parlé avec mon voisin de table d’une grande gentillesse.
En une seconde, on est empoigné par la vie qui coule dans la rue.
Les trottoirs sont défoncés ou inexistants, il y a des trous de 2 mètres de profondeur au milieu de la chaussée, des gens qui dorment, d’autres qui glissent en cyclo, d’autres devant leur étalage à même le sol, mais ce qui est incroyable ce sont les sourires.
C’est un lieu commun de dire ça, et ça paraît toujours un peu idiot quand on entend dans ces pays ils ont des sourires magnifiques ! Ces sourires pour moi sont irréels, ils ne sont même pas magnifiques, je me demande d’où ils viennent, quel chemin ils ont pris avant de s’épanouir lentement sur le visage avec cette légère inclinaison de la tête.
Je répète souvent la phrase de Pasolini qui dit, ce ne sont pas des sourires de joie, ce sont des sourires de douceur.
En
tout cas, cette tendresse est désarmante, en une seconde j’étais bien à
Dhaka et je n’avais envie d’être nulle part ailleurs.
La foule est calme, fluide avec des gestes et des postures sublimes. J’ai l’impression de regarder les bas-relief des temples. Je détaille les drapés des Longhi, des saris, leurs motifs, les gestes sinueux des mains pour les réajuster…
Sur ma route je me suis posté sur une petite borne de béton à l’angle d’une rue.
Des centaines de cyclo-pousse se suivaient avec leurs passagers et prenaient le virage dans un tourbillon ininterrompu. Cette danse de cyclopousse avec seulement le bruit des clochettes et des roues me donnait le vertige.
La lumière était basse, car c’était la fin de journée et un gros soleil rouge perçait les nuages de pollution mais j’ai quand même sorti mon appareil pour essayer de capter dans le flou de la lumière descendante quelques fragments de cette danse hypnotisante.
J’y suis resté une heure, fasciné par le spectacle qui se déroulait devant mes yeux.
Après
le cours, je suis allé dîner avec Apurba, un jeune etudiant de
Chittagong qui travaille maintenant à l’Ambassade de France et que
j’avais croisé l’annee derniere (il connaît la France car lors d’un
concours de chant, il a gagné un voyage en Corse en 2007) et son
professeur de piano.
Son professeur de piano, est une jeune femme qui doit avoir un peu plus de 30 ans, celibataire et très drôle. Elle aime Fauré, a appris le piano avec une coréenne et est très volubile, et atypique pour ici. Quoique… Elle fait partie de ces femmes qui en Inde et au Bangladesh vivent très librement. Je trouve qu’il y en a finalement pas mal.
J’ai
mangé une somptueuse langouste que j’ai photographié avant de l’avaler.
Ont suivi des patisseries bengali… et lorsque j’ai vu la note à la fin
du repas je n’y croyais pas : 500 taka, l’équivalent de 5 euros, pour
les trois repas!
Lachaleur
de l'été monte chaque jour un peu plus. Je vais visiter des galeries
d'art cet après-midi et j'essayerai les jours suivants, maintenant que
la transition est faite, d'être plus assidu avec le blog!