Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bangladesh
Bangladesh
Publicité
8 mars 2008

Dhaka

Wahid_Adnan0

image Wahid Adnan

Wahid_Adnan1

image Wahid Adnan

Syed_Md

image Syed Md. Rabiul Islam

JasminAkhter

image/ Jasmin Akhter

JasminAkhter2
image/ Jasmin Akhter

munch
Munch: Le cri

Rousseau
Le Douanier Rousseau


ArifujjamanChowdhury

image Arifujjaman Chowdhury

ArifujjamanChowdhury2

image Arifujjaman Chowdhury

Shiele2

Egon Shiele et Frida Kahlo, selfportraits

expo1

photo Wahid Adnan

_cole0

l ecole et le village

_cole1

route

J’ai quitté hier soir Chittagong, à 20h30 sur Best Air pour Dhaka.

Depuis un an trois nouvelles compagnies d’aviation ont ouvert des lignes au Bangladesh ; l’année dernière j’avais volé dans une machine qui semblait avoir été inventée par Jules Verne, cette année c’était un Boeing 737 neuf, avec des hôtesses chics en pantalon, blazer et escarpins rouges écarlates…
Depuis 48 heures, j’ai l’impression qu’il s’est passé 3 mois !

Je suis arrivé à Chittagong, il y a exactement 15 jours, le teint gris, les yeux cernés, les joues creuses, j’en suis reparti hier avec 3 kg de plus, bronzé et avec un grand sentiment de plénitude.

Avant d’oublier, qu’est ce que je dois raconter ?

La soirée il y a trois jours chez D. al Mamun, un artiste, sa femme elle-même artiste et un autre couple d’artiste et de critique, en compagnie de Roopam et Sten.
L’appartement en haut d’une tour, magnifiquement décoré d’objets tribaux, de statues, de Dieux hindous, de ganymèdes birmans… me faisait penser avec ses grandes baies vitrées, ouvertes sur les lumières de Chittagong à l’appartement de La corde de Hitchcock à New York.

Le lendemain matin, avec Roopam et deux copines à elle, je me suis rendu à 1 heure de Chittagong dans une école ouverte par une américaine pour les enfants d’un village.
Le voyage en voiture était drôle, l’une des femmes, épouse d’un diplomate penjabi, intelligente, bourgeoise et superficielle parlait non-stop dans un anglais hyper rapide et toujours au bord de l’éclat de rire.

Je distinguais de cette avalanche de mots quelques bribes, de nombreuses fois les roupies… étaient citées, et une exclamation qui ponctuait presque toutes ses phrases « Can you imagine !!!».

Le plus burlesque a été à un moment où nous étions immobilisés à un feu rouge et où une armée de lépreux sont venus autour de la voiture… elle s’est exclamée avec emphase « Can you imagine …être dans cet état » de la même façon qu’elle décrivait les belles faïences exportées d’un appartement témoin qu’elle avait visité la veille…

A l’école, j’ai présenté le tableau du Roi de Thaïlande fraîchement encadré.
Je leur ai un peu raconté, comment j’avais fait ce tableau et leur ai demandé d’imaginer le portrait de la Reine, pour voir s’ils étaient plus forts que Pierre et Gilles !

C’était drôle de voir ces petits bengalis dans cette minuscule école High-Tech surplombant les rizières et les maisons rudimentaires du village.

Ils avaient de jolis vêtements colorés de grands yeux curieux, et de regarder leurs petites mains caramels dessiner le portrait de la Reine de Thaïlande m’a rappelé Bishnupur, il y a 4 ans.

J’ai enchaîné tout de suite avec le vernissage.
Les visiteurs étaient nombreux et tous les étudiants étaient là. J’étais aussi heureux qu’eux de ces 6 jours de création commune. Le résultat est expérimental mais la plupart n’avaient jamais touché un ordinateur avant. Ce n’est pas ça le plus important. Ce qui a été génial, qui semble les réjouir et qui me vaut peut-être leur reconnaissance c’est de les avoir poussé dans leurs retranchements pour libérer leur imagination.

Leurs yeux brillaient de plaisir et c’était très agréable à regarder.

Ils avaient tous des petits paquets et ils m’ont offert une multitude de cadeaux, des statuettes en terre cuite, un bouddha, des films, de nombreux disques, des reproductions de peinture… et un collage très drôle où on voit ma tête sur l’écran lumineux géant d’un carrefour de Chittagong.

Leur humour, leur gravité, leurs désirs et leur humanité y sont pour beaucoup dans ce sentiment de plénitude que je ressens aujourd’hui.

Ce qui y a été pour beaucoup aussi, et je ne veux pas m’étendre la-dessus (car je pense qu’il lit le blog !) c’est l’entente et l’harmonie parfaite professionnellement et amicalement que nous avons Sten et moi, sans parler des innombrables discussions et des fou rire le soir sur le balcon tous les trois avec Roopam.

J’ai adoré ces moments.

Le soir du vernissage Adil et Sharmeen Husain avaient organisé une soirée chez eux, dans leur somptueuse villa. On se croirait à Beverly-Hills, les corbeaux en plus.
Il y avait le consul de Russie, des hommes d’affaires, Rois de la crevette, de plantations de thé ou de mangues, et leurs épouses élégantes.

Tous ces gens me disaient « alors c’est vous que nous sommes venus voir ». Je ne le savais pas...

En France cela m’aurait ennuyé, à Chittagong ça me réjouit.

Les bengali sont comme les iraniens, ils ont beau être hommes d’affaires, ces hommes qui fument le cigare sur la véranda lorsqu’ils me parlent, m’entretiennent de littérature, de musique, de poésie, de la beauté des saisons, de leurs histoires d’amour passées…

Il y avait un couple avec qui j’ai longuement discuté. Lui était beau et costaud comme un bonhomme Michelin avec une voix de chanteur d’opéra, elle, élégante et pétillante, en sari, fumait le cigarillo.
Ca m’a fait rire, lorsqu’ils m’ont dit « viens on va discuter sur la balancelle c’est plus agréable de parler en se balançant ». J’adore ces détails.

Adil et Sharmeen, en me disant au revoir m’ont donné une belle lettre et m’ont offert, un  Longhi blanc et ce qu’on appelle ici un châle dans un magnifique tissu. Lorsqu’il fait frais dans le Bengale, les hommes enroulent autour de leur Kurta amidonnée une sorte de longue couverture légère dans laquelle ils se drapent. Cela leur donne des airs de princes babyloniens.

Le plus curieux, c’est que dans cette culture que j’ignorais il y a dix ans, je suis comme un poisson dans l’eau. Elle m’est plus naturelle et familière que celle d’où je viens. Je me sens à l’aise, et ce que ces bengali me renvoient et la façon dont ils m’ouvrent leur porte me montre qu’ils ont compris ça chez moi. J’en suis heureux et même un peu fier car je me reconnais et me découvre en eux.

La dernière journée à Chittagong a été calme. Avec Sumadri nous sommes allés manger des crevettes massala dans le jardin d’un restaurant en plein air.
Cette curieuse habitude de me faire des amis à Bombay, Chittagong ou Téhéran est embêtante, car on ne sait jamais quand, ou si, on va les retrouver.

Les moments partagés avec Sumadri vont me manquer comme ceux que je partage avec Parimala.
Mais avec Parimala nous avons réussit l’exploit de nous voir plusieurs fois par an ; avec Sumadri…
Nous avions beaucoup de mal à nous quitter. Au moment où nous allions nous dire au revoir il m’a entraîné dans une boutique où il m’a offert, la plus belle Kurta que je possède dorénavant, une kurta mordorée en soie tissée.
Il m’a raccompagné chez Sten, et nous étions silencieux dans cette lumière orangée de fin d’après-midi. Nous avons abrégé les adieux, et j’aime beaucoup cette façon qu’il a de m’appeler, Pascal dada, qui veut dire en bangla grand frère.

Roopam avait profité de la journée pour rédiger l’article sur mon travail qu’elle va adresser aux revues d’Art.
J’ai lu l’article : juste, intelligent et magnifiquement écrit, avec de très belles images littéraires.

Roopam, Sten et leur joli dalmatien m’ont accompagné à la nuit tombée à l’aéroport.
Je n’avais pas envie de quitter Chittagong comme une orange n’a pas envie de quitter l’arbre pour se retrouver au frigidaire.

Roopam et Sten, je sais que je vais les revoir à Paris dans quelques mois… et cette idée est agréable.
Pour Chittagong, Sumadri ou les étudiants je m’en remets au hasard de la vie et aux bonnes étoiles du Bengale.

Je suis depuis hier dans ma nouvelle maison.
Ambrosia Guest-House, une jolie villa fleurie au cœur du chaos de Dhaka.

Ma chambre est grande et agréable. J’ai rangé mes chemises et mes kurta repassées dans l’armoire et je me prépare au deuxième épisode de ce séjour.



Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité