Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Bangladesh
Bangladesh
Publicité
3 mars 2008

Anne de Henning, french reporter photographer in

pascalmonteilaffiche

Anne de Henning, french reporter photographer in Bangladesh during the 1971 invasion

.

.

L'affiche tiree par Dhaka

..

Pour imaginer la densité humaine au Bangladesh ce n’est pas compliqué. Regardez où est la personne la plus proche de vous et imaginez entre cette personne et vous 20 bangladais.

C’est un calcul scientifique juste car ce sont exactement les chiffres : il y a 10 bangladais pour 1 français sur la même superficie.

Ca crée des situations visuelles qui me réjouissent. Lorsque je sortais sur la terrasse de la salle de cours pendant le workshop pour boire mon thé, je regardais cette marée humaine à un mètre de moi, dans la rue. Chaque détail me captive, les assemblages de marchandises et de passagers sur les cyclo-pousse, le vendeur de thé, avec 3 ouvriers suspendus au dessus de sa tête sur un pylône qui mangent des chapatis, les camionneurs endormis en masse sur leur roue de secours, et le défilé incessant des cyclo-pousse qui semblent transporter toutes les représentations de l’espèce humaine, le vieux musulman en robe blanche amidonnée aux  grappes d’écoliers en uniforme bleu, la bicyclette qui transporte 4 autres bicyclettes accrochées à son porte bagage…

J’ai l’impression que je ne me lasserai jamais de ces images, chaque détail de poignet avec les bracelets, les amulettes, ces pupilles noires et lumineuses, les yeux en amande mélancoliques, les dessins des longhis noués autour des hanches… cette façon bizarre de vivre et de circuler sur ce globe. Je m’y sens bien et par mimétisme retrouve tout ma fluidité et ce qu’il y a de plus vivant en moi.

Hier matin, 3 étudiants m’ont accompagné chez un vieux photographe qui colorise des photographies noir et blanc.

Ils me traitent comme Ganesh ; je suis très confus car je ne suis pas Ganesh !

Ils soufflent sur les fauteuils avant que je puisse m’asseoir, et c’est à peine si je peux tenir ma tasse de thé entre chaque gorgée… Ca ne les empêche pas d’être décontractés et de rire avec moi, mais ces formes de respect sont non répertoriées pour moi. C’était drôle de rouler en cyclopousse à l’ombre de ces capotes colorées dans les rues chaotiques de Chittagong avec mes étudiants.

C’est tellement différent de la ligne de métro St Denis Université.

A 13 heures nous avons dîné tous ensemble au restaurant. Repas très agréable avec ces étudiants qui chantent au dessert les chants tristes de Tagore avec des voix qui donnent des frissons. Heureusement, nous ne nous quittions pas définitivement après le repas, sinon tout le monde aurait pleuré comme à Bishnupur. J’apprécie aussi leur rire sur des choses très simples.Ca va être encore difficile de quitter tout ça en fin de semaine, et de repartir à 0 pour les 15 jours suivants à Dhaka.

Hier après-midi j’ai travaillé à l’Alliance.

A la nuit tombée nous sommes allés au marché où je me suis acheté des draps et des taies d’oreillers pour avoir un lit agréable à mon retour à Paris.

Avec Roopam, la femme de Sten nous avons décidé de préparer un article écrit par elle et avec mes images, pour les revues d’Art indiennes et une belle revue Bangladaise.

A l’apéritif, les verres remplis de whiskies, j’ai répondu à ses questions.

Roopam est originaire de Chandigarh, et a soutenu une maîtrise sur Céline à la Sorbonne.

Sumadri a raison lorsqu’il dit qu’elle est une grande intellectuelle… ça la fait sourire, mais ce qui est vrai c’est que plus c’est complexe et abstrait plus elle semble à l’aise.

Chacune de ses questions sollicitaient toute ma réflexion pour y répondre justement.

Selon mon interlocuteur, parfois, je répète les mêmes choses parce-que je sais qu’il s’en fou, ou, si je ne l’aime pas je dis n’importe quoi, des mensonges et tout ce qui me passe par la tête...

Mais parler avec quelqu’un d’intelligent c’est l’inverse, c’est un de mes plus grand plaisir, on a l’impression de prendre de la hauteur, de décoller du sol et de prendre de la vitesse.

Vers midi, aujourd’hui, Sumadri m’a emmené au marché où il m’a couvert de cadeaux puis nous sommes allés manger au restaurant. Nous avons parlé comme toujours de choses très drôles et de choses très tristes liées à l’Histoire du Bangladesh.

En revenant je regardais toutes ces têtes qui balancent et qui me plaisent, et je me disais qu’un jour peut-être tous ces gens allaient se jeter les uns sur les autres pour des raisons religieuses. J’espère que l’équilibre à peu près stable actuel va durer le plus possible, mais je ne me fais pas trop d’illusions sur ce genre de choses. Un jour il y aura des émeutes et des centaines de morts, et il n’y aura rien à faire que de se désoler que ce soit arrivé et de téléphoner aux personnes que je connais pour savoir s’ils sont vivants ou morts.

Cet après-midi avec Sanjoy, un des étudiants, je suis parti chercher dans un labo, des tirages des photographies d’Agnès au Havre pour mon prochain livre inspiré de « la Voix Humaine ». Ensuite il m’a conduit chez un vieux photographe qui colorise les photos à la main. Je ne suis pas du tout confiant dans le résultat mais l’expérience m’intéresse.

C’est lui qui s’est proposé pour m’accompagner et m’assister chaque fois que j’en ai besoin. Du coup je n’ai rien à faire. Il prend les photos, les roule, mets les élastiques, les transportent méticuleusement avec nous en cyclopousse, marchande, va me chercher des chaises, du thé… renégocie la course suivante en cyclopousse, me demande de quelle couleur était le déshabillé d’Agnès sur la photo et rempli des pages d’indications colorimétriques en bengali pour traduire mes désirs pendant que je regarde le spectacle de la rue.

J’ai l’impression d’être comme dans le reportage de Benoît Jacquot, lorsqu’Andrée Putman construit et déconstruit la maison de BHL à Tanger en marchant et en parlant « pour retrouver l’émotion », pendant que ceux qui l’accompagnent traduisent ses paroles, en chiffres, mètres, textures…

En tout cas c’est très agréable et beaucoup mieux pour le travail, car je n’ai pas à me concentrer sur des choses que je ne sais pas faire.

Retour à l’Alliance dans une bibliothèque pleine de belles étudiantes et de beaux étudiants qui lisent l’Express, la vie de Coco Chanel et empruntent des films allant de Pierrot le fou, aux derniers dvd français sortis le mois dernier.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité