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Bangladesh
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10 mars 2007

Cette ville ne ressemble à rien et elle me plait

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Cette ville ne ressemble à rien et elle me plait énormément car je la trouve d’une beauté non répertoriée.

10 millions d’habitants à Chittagong, 160 millions  de Bangladais, sur l’équivalent d’un quart du territoire français. Le Bangladesh est le pays le plus peuplé de la planète en densité.

L’architecture à Chittagong va dans tous les sens, il s’agit d’immeubles en béton brut, certains sans façade, ou avec le 6 eme et le 7 eme étage avec des appartements et des bureaux et le reste ouvert aux quatre vents, des échoppes, des maisons d’un étage en brique nue, des terrains vagues envahis par la jungle, des murs peints en rouge, ou de simples moellons  avec derrière des chantiers, parfois dans un jardin on voit une belle maison des années 60 comme à Téhéran.

J’adore cet immense réseau urbain, construit en quelques décennies pour subvenir aux besoins d’une démographie exponentielle.

On n’a pas l’impression d’être dans un lieu délimité mais dans un immense réseau urbain et humain, une nappe avec peu d’infrastructure, mais un sens organique très précis.

Hier soir en me couchant je regardais la grande avenue plongée dans le noir avec seulement quelques veilleuses oranges très faibles et espacées.

Puis ce matin en buvant mon café à la fenêtre je me suis réveillé en regardant les dizaines d’autobus bondés qui diffusent de la musique hindi tonitruante qui résonne dans toute la ville.

Les autobus sont bondés, sur le toit il y a des haut-parleurs et entre les haut-parleurs des personnes allongées, et même sur l’un d’eux un groupe qui dansait. Chaque image me ravit, un cyclo-pousse qui pédale et descend l’avenue avec à l’arrière un policier endormi sous un énorme ballot de plume de trois mètres de haut. Il y a des milliers d’images de la sorte autant que dans un tableau de Jérôme Bosch.

Je n’en reviens jamais du bonheur que m’inspire ces atmosphères, à priori hostiles à l’être humain, en tout cas peu favorables à son bien-être.

Chez moi c’est presque un effet biologique, je suis envahi par une sorte de bonheur qui vient pas vague exactement comme on peut être assailli par l’angoisse sans comprendre pourquoi.

En quelques heures dans cette ambiance mon esprit change, ma capacité à imaginer devient plus vaste, mes sensations plus fines et plus variées, j’ai l’impression que mon corps s’ouvre comme après une séance de yoga et que mon sang se remet à circuler.

Les modes de communications sont je crois ce qui m’émerveille le plus, la douceur mélancolique des regards et la lenteur des gestes, cette légère distance qu’ont la plupart des indiens, et cette attention extrême tendue vers l’autre.

J’ai passé ma journée à les regarder communiquer entre eux. Je n’ai rien à essayer de comprendre qui me paraisse exotique comme ce peut être le cas au Japon, je n’ai qu’à être moi-même et tout se passe le plus simplement du monde, car tout ce que je vois ici me paraît

plus naturel que n’importe où ailleurs.

Tapash est venu me chercher vers 10 heures, nous devions nous rendre sur deux lieux pour les premières photos et rencontrer les premiers bangladais, un parc d’attraction autour d’un lac et la plage, une sorte de Juhu Beach comme à Bombay.

Mes intuitions de la veille se sont révélées justes, je m’entend tout de suite très bien avec Tapash (prononcer Tap(au)sh). Tout de suite avec notre langage commun rudimentaire, comme avec Parimala la première fois que nous nous sommes rencontrés à Calcutta, nous passons très vite sur les discussions d’usage pour parler de Diane Arbus, Raghubir Singh, du recours aux artifices pour rendre une image réelle… du design des livres japonais etc.

Tapash m’a appris hier qu’il était hindou, je ne suis donc pas dépaysé car les bengali hindou sont les mêmes personnes que je fréquentais à Calcutta.

Toute la journée on vient vers moi pour me demander d’où je viens, un papa musulman avec une barbe orange qui me regardait photographier sa fille avec un large chapeau rose sur la tête, après m’avoir posé la même question, s’est lancé dans un long hommage à François Mitterrand, me faisant profiter de ces hommages par personne interposé, en tant que rejeton du pays de ce grand chef d’état et en terminant par me féliciter de ne pas être né américain.

Tapash était inquiet au départ que tous ces contacts m’ennuient, puis il s’est aperçu que ça me plaisait pas tant pour ce qui est échangé que pour le contact qui passe avec chaque personne et qui est toujours d’une grande douceur.

A midi je suis repassé déjeuner à mon hôtel, de mon repas préféré, crevettes, garlic nan et sweet lassi.

Puis Tapash est venu me chercher et nous sommes partis en direction de la mer.

C’est Vendredi, donc jour de congé, et sur la jetée qui longe la mer j’ai compris que l’on n’était sans aucun doute dans le pays le plus dense du monde.

Cette foule élégante longe la digue en groupe ou en famille, comme à Juhu, et reste debout face à la mer, en grignotant du blé soufflé ou un jus de mangue… Deux petits garçons de 3 ou 4 ans, enlacés partageaient une glace à la pistache, je les regardais se tendre le bâton de glace verte et ils m’ont rappelé la façon dont les enfants de Bishnupur apprenaient Photoshop en mettant en commun leurs connaissances même minimales pour arriver à faire ce qu’ils voulaient.

Les Bangladais ont une façon de s’habiller très explosive et plus proche de la mode de Bombay que de celle de Calcutta, rouge, rose, jaune et paillettes pour les femmes et les hommes.

Les militaires sont incroyables, ils ont des combinaisons tigre, oranges et noires et en les regardant on a plus l’impression d’être face à une scène de cabaret que dans un pays qui a déclaré l’état d’urgence depuis 2 mois.

Comme je suis prudent et que je sais que je ne suis pas dans un cabaret je me suis abstenu de les photographier pour le moment.

Nous avons fait comme les bangladais et nous avons terminé la journée en regardant le soleil se coucher sur le golfe du Bengale en buvant un jus de mangue face aux énormes bateaux qui attendent leur tour pour entrer dans le port.

Retour en rickshaw, au cœur de la ville à 10 km dans la nuit et la folie du retour du bord de mer un vendredi soir à Chittagong. Les cyclo pousse et les rickshaws entremêlés avec dans chacun une famille entassée, les musiques de chansons hindi suraigues qui sortent en même temps des fenêtres des voitures, de temps à autre le 4 x 4 d’un «  nouveau riche » posé au milieu de l’embouteillage et leurs marmots dodus à l’arrière qui regardent d’un œil désabusé et immobile cette agitation.

De retour à l’hôtel j’ai travaillé, puis SLB est venu me chercher pour dîner.

Dîner très amusant, avec la communauté française de Chittagong au complet, SLB, un bordelais de 60 ans, et son patron de 76 ans qui plutôt que de se mettre à la retraite sont employés par le gouvernement du Bangladesh en tant qu’expert pour agrandir le port de Chittagong. Il y a donc trois ressortissants français à Chittagong, semble-t-il très heureux d’être là.

Nous avons beaucoup ri toute la soirée et l’esprit et l’intelligence de ce monsieur de 76 ans né à Oujda et qui a passé sa vie entière entre le Zaïre, la Somalie, l’Ethiopie, la Polynésie, Djibouti, la Libye etc . etc. pour construire des gros chantiers avec les chefs d’état du moment

m’a rappelé les personnages des romans de Conrad à la différence qu’il respire une joie de vivre plus communicative que la lecture de l’auteur de « Face aux ténèbres ».

Il a évoqué sa première maîtresse, une juive de Casablanca qui lui a laissé un grand souvenir puis une somalienne qui « était le négatif exact de Brigitte Bardot ».

Aujourd’hui samedi, je travaille ce matin à l’hôtel puis rendez-vous pour dîner chez le Président de l’Alliance à midi, photographier sa villa et préparer les nouvelles séances de photos !

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