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Bangladesh
Bangladesh
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16 mars 2007

Parimala Inamdar Shiraz Ispahan Andree Putman

Darjeeling

Parimala Inamdar

Shiraz

Shiraz

Ispahan

Ispahan

Paris

Andree Putman

Shangha_

Bernie Bonvoisin

Palerme

Frederika Fenollabbate

Geneva

Amar Arrada

Wien

Gauthier Boche

.

Hier matin, dans la salle d’exposition de l’Alliance, je suis allé voir les 15 premiers portraits qu’un bangladais en longhi bleu accrochait au mur. Les cadres sont beaux, les tirages réalisés par Tapash excellents et ça m’a plu de voir cette galerie de portraits dans ce contexte…

Gauthier, Bernie Bonvoisin devant les portes ouvertes de Suzhou, Frederika, Nurul concentré, les portraits perses de Shiraz et Ispahan, Andrée Putman impériale et extatique, Parimala les yeux embrumés et Duras fardée comme elle l’imaginait (elle m’avait raconté vouloir apparaître dans le dernier film qu’elle n’a pas eu le temps de tourner fardée comme une putain chinoise).

Lorsque j’ai rapporté cela à A. Putman il y a quelques semaines elle s’est exclamée attendrie

« Marguerite ! ». Elles partageaient de nombreux repas ensemble où Duras lui demandait de parler, sans l’interrompre pour écouter sa voix rauque et caverneuse.

Les portes de part et d’autre de la galerie, ouvertes sur les palmiers et les corbeaux qui croissent sont le contexte idéal pour accompagner ces portraits.

Puisque j’en suis à Duras, il faut que je dise que si je suis à Chittagong aujourd’hui c’est parce-qu’en lisant ses premiers romans vers 16, 17 ans (le vice-consul, le barrage contre le pacifique, India Song…), j’ai vu apparaître pour la première fois le nom de Chittagong.

C’est la ville d’où elle fait venir la mendiante folle qui chante dans les jardins de l’ambassade de Calcutta et qui se promène au fil des romans, à Vinh Long au bord du Mékong ou sur les plantations envahies par le sel du Barrage lui attribuant toutes sortes de chemins à travers l’Asie. Ces chemins étant le prétexte pour faire apparaître une géographie romanesque de noms ; Tonlé Sap, Battambang… Vientiane, Rangoon etc.  et Chittagong.

Ce nom de Chittagong, dans les voix off de ses films et les romans revient comme un mantra et est répété en détachant chaque syllabe lui insufflant un pouvoir mystique.

Pouvoir mystique qui a eu son effet sur moi puisque depuis le jour où je l’ai vu apparaître je me suis dit que j’irai à Chittagong, et que j’y suis aujourd’hui pour réaliser et montrer ces portraits.

A la fin d’India Song, lorsque Anne-Marie Stretter la femme de l’ambassadeur de France à Calcutta part avec ses amants dans le delta du Gange où ils se suicident en entrant dans la mer, la dernière image sur les vagues se transforme peu à peu et la camera pour le générique de fin se promène sur la carte du Bengale descendant le long des bras du delta sur une carte complètement envahie par l’eau longeant la côte du Bangladesh actuel, Chittagong,  Rangoon en Birmanie, puis elle suit le cours du Mékong jusqu’à Saigon.

Comme si le corps et l’esprit de ces cadavres amoureux s’était mélangé au limon et à l’eau de Gange dans lesquels ils s’étaient dilués.

Le Bengale c’est ça pour moi, un pays mouvant et liquide où  tout se dilue.

C’est « le pays des marais » le dernier et très beau roman d’Amitav Ghosh.

Pour passer par des chiffres moins poétiques, 75% du Bangladesh est en dessous de 3 mètres d’altitude ce qui laisse supposer quel sera son destin même à très court terme avec la montée du niveau de la mer.

Depuis la séance de photo jusqu’au dîner hier soir chez Sultana Nizan, je ne peux pas tout raconter ni même me souvenir dans le détail tant cela m’a semblé dense même s’il ne s’est écoulé que 48 heures.

En tout cas j’ai fait plusieurs allers-retours dans la ville en cyclo-pousse vers l’Alliance ou le labo photo plus loin dans la ville ancienne.

Toute cette population et ces innombrables marchandises qui se déplacent dans cette ville sur ce curieux moyen de locomotion me fascinent.

Les cyclo-pousse ici sont les plus jolis que j’ai vus en Asie, chacun est décoré par un peintre avec d’énormes fleurs décoratives. Une capote rouge est relevée sur les passagers et le propriétaire en longhi fait avancer cette carriole silencieuse avec régularité.

A la nuit tombée, j’adore glisser dans les rues parmi cette foule de cyclo-pousse qui ramène des familles entières chez elles, des écoliers entassés, des hommes d’affaires en lunettes noires et attaché-case, des ménagères en sari colorés, des femmes musulmanes sous un voile noir comme les fantômes de Füssli ou des paniers de poulets et de chèvres mais aussi des étudiants qui continuent à pianoter sur leur laptop dans les balancements du cyclo ou moi avec dans mon sac le cd des portraits numériques que je vais livrer à l’imprimeur.

Le fait que ces images numériques soient transportées par ce moyen de locomotion me ravit.

Ce mélange de nouvelles technologies et de moyens antiques m’enchante dans ce pays, ils s’associent avec un surprenant naturel et tout fonctionne incroyablement bien.

Tout se fait à temps, tout roule mieux en cyclo-pousse et 25 coupures d’électricité quotidiennes qu’en occident, je le constate à chaque fois.

Jamais je n’aurais pu réaliser ce que j’ai réalisé ici en 10 jours.

De longues discussions au téléphone et des colères quotidiennes auraient été nécessaires, la perte de la moitié de mon temps et des déceptions en chaînes… j’aurais du passer plusieurs heures dans le métro pour finalement ne pouvoir consacrer que 3 heures le soir, fatigué et inquiet à la création.

Je suis indéniablement plus adapté aux systèmes de communication et de production d’ici qu’avec ceux qui ont cours en France, il n’y a plus aucun doute la dessus.

Je crois que j’en suis à mon huitième séjour en Inde et à chaque fois que j’arrive j’ai peur d’être enfin déçu et de sortir de mon rêve, mais à chaque fois la magie opère dès les premières heures… et je crois que si je ne sors pas de mon rêve c’est que je ne suis pas dans un rêve.

Je suis seulement dans un endroit qui me correspond avec des gens qui me correspondent et je goûte cette harmonie et le plaisir d’associer mon travail au leur pour réaliser quelque chose.

…un peu plus tard dans la soirée.

Sumadri est venu me chercher à 15 heures.

Je lui avait dit que j’aimerais aller dans les temples de Kali, la déesse qui m’intéresse le plus dans le panthéon hindou.

Nous sommes montés dans un cyclo-pousse et avons fait le tour des temples en nous arrêtant dans chacun d’eux.

A 18 heures j’avais rendez-vous avec Mr Gurupada pour l’accrochage des 30 images dans la galerie.

Pendant que nous accrochions Sumadri qui a découvert les deux portraits que j’ai réalisés de lui, restait longuement devant chacun des 30 portraits comme le font toujours les indiens qui lisent une image plus qu’ils ne la regardent.

Nous avons permuté les portraits jusqu’à trouver l’agencement idéal et Mr Gurupada m’a été d’une aide précieuse.

Ce monsieur qui a vécu 7 ans en France où il a fait une thèse sur la réception d’Hemingway en France incarne lui aussi parfaitement l’intellectuel bengali.

Tout est prêt et je n’ai plus qu’à réaliser mon petit discours en anglais pour demain, et faire l’éclairage avant le vernissage à 17 heures.

Nous avons bu un thé avec Sumadri et sommes revenus à travers les parcs plongés dans la nuit noire de Chittagong et les rues faiblement éclairées et défonçées en discutant.

La discussion avec Sumadri est passionnante, on parle des processus de création, de Kafka, de Becket, de psychanalyse et son acuité m’enchante.

Raphaël est en route pour Dhaka où il arrivera comme moi à 2 heures du matin et j’irai le retrouver en rickshaw à 9 heures à l’aéroport de Chittagong demain matin.

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